Quatrième de couverture
En ce jour de printemps 1979, la ville de Rivière-Fangeuse se prépare à l'exécution de Gu Shan, une ancienne garde rouge devenue dissidente. Pour ses parents et les quelques habitants écoeurés par cette ultime injustice, plus rien ne sera comme avant. Sous l'oeil omniprésent du Parti, contre la terreur ordinaire dans la Chine postmaoïste, ils tentent de modifier la trajectoire imposée.
Avis d’une lectrice du dimanche
Un livre dérangeant, terrifiant, mais à lire absolument !
La trame de ce roman se noue autour d’un fait divers tristement banal en 1979 : une jeune femme, Gu Shan, va être exécutée pour avoir osé critiquer le régime chinois. Cela constitue sans doute l’injustice de trop et les habitants vont se mobiliser pour dénoncer cette mise à mort arbitraire. L’espoir suscité par ce mouvement est hélas immédiatement étouffé. Le récit est pesant, dur, vraiment très dur ! Aucune issue positive ne semble possible, la dictature écrase les êtres et les réduit irrémédiablement au silence.
Cette démonstration des mécanismes de déshumanisation devient intolérable lorsqu’il s’avère que la répression amène l’ensemble d’une population à être coupable pour des motifs multiples : lâcheté, avidité, vengeance et ignorance. Gu Shan, la condamnée suppliciée, devient une martyre car une mise à mort classique aurait encore été trop douce ! Des médecins lui ont auparavant volé des organes pour soigner des notables. Pourtant cette jeune fille n’a rien d’un agneau. Elle a elle-même été bourreau quelques années auparavant, elle faisait partie des militantes les plus acharnées, avec à son actif des dénonciations et violences sur des personnes vulnérables, des femmes enceintes. C’est un cercle vicieux : des habitants dénoncent des voisins, qui eux-mêmes inventent sous la torture tout ce que leurs tortionnaires se plaisent à imaginer. Souvent les dénonciateurs sont rattrapés par leurs actes et châtiés à leur tour.
Yiyun décrit la société chinoise des années 80, dans laquelle la terreur est quotidienne, inéluctable et enlaidit les individus. Même la cellule familiale n’offre plus aucune protection. Les enfants, endoctrinés à l’école dès leur plus jeune âge, dénoncent leurs parents. Les époux livrent leur conjoint en pâture aux autorités. Tout participant à une simple manifestation est pourchassé, jusqu’aux simples spectateurs.
Le style est clinique et le récit est glacial, cruel.
En terminant ce roman, j’avais l’envie de croire que la dictature chinoise est un peu moins horrible aujourd’hui. Mais Yiyun Li, auteur américain d’origine chinoise, n’apporte aucune réponse sur le présent…