Quatrième de couverture
Cette traduction, signée par un maître en la matière, Boris de Schloezer (1881-1969), est l'un des textes les plus caractéristiques du grand écrivain russe, un récit mondialement connu et qui rencontre toujours un immense succès, avec La sonate à Kreutzer, qu'il écrivit la même année (1889).
L'oeuvre de Tolstoï nous confronte comme toujours directement aux questions essentielles qui inquiètent l'âme humaine : ici, la prise de conscience de soi devant la mort imminente.Le héros est un fonctionnaire, magistrat, satisfait de lui et de sa vie ordinaire. Jusqu'au jour où la maladie, à travers des souffrance qui le conduisent inéluctablement à la mort, lui ouvre les yeux et le place face à lui-même, son égoïsme et sa petitesse. C'est lorsqu'il sombre dans le désespoir que le héros, de petit, devient grand, transfiguré et réconcilié avec lui-même par le sentiment d'un pardon mystique. Signe que la mort est toute proche, mais en vérité la mort n'existe pas car la peur a disparu... Serait-ce cela la rédemption ?...
Avis d'une lectrice du dimanche
Très beau roman !
Tolstoï évoque un thème universel : notre face à face avec la mort. Après longuement exposé un tableau pessimiste et terrifiant, l’auteur offre finalement une pépite d’espoir. Nos peurs pourraient finalement être vaincues, la mort n’incarnerait plus la finitude désespérante de l’être humain mais plutôt l’événement qui nous fait grandir.
Ivan Illitch gravit les échelons de la hiérarchie sociale grâce à ses études certes mais également par des petites combines, des connivences mesquines. Il organise soigneusement une vie bourgeoise bien réglée : il devient juge, se marie, aménage dans un bel appartement et tisse des liens sociaux rassurants. Ce portrait met le lecteur mal à l’aise car le personnage paraît détestable au premier abord. Et pourtant, aucune malhonnêteté fondamentale n’est portée à son crédit, juste un peu d’hypocrisie, une insatisfaction permanente, une futilité incommensurable. Finalement, même si le trait est forcé à dessein, c’est malgré tout la petite vie tranquille du commun des mortels que Tolstoï décrit.
Cette existence bien réglée bascule lorsqu’Ivan Illitch se voit atteint d’une maladie incurable, douloureuse, qui le conduira rapidement à la mort. Toutes ses certitudes s’effondrent car la solitude l’accable. Ses amis se détournent, et sa famille assiste, impuissante, à son agonie. La vie continue sans lui et Ivan Illitch réalise soudain l’inutilité et l’absurdité de tout son quotidien. Ces terribles découvertes amplifient sa terreur, ses souffrances physiques et morales. La description de son agonie est froide, sans fioriture.
Son seul soulagement vient par surprise, de la part de Guérassime, un jeune domestique. Le jeune paysan est resté proche du cycle naturel de la vie et de la mort. Il lui semble naturel d’apporter soins et réconfort aux êtres qui sont au soir de leur existence. Cette empathie fait avancer d’un grand pas notre juge en lui faisant prendre conscience de l’importance de la solidarité.
Et finalement le salut, tel que le conçoit Tolstoï, viendra quelques instants avant la fin : « Il chercha son ancienne peur et ne la trouva plus. Où était-elle ? Quelle mort ? Il n’y avait pas de peur parce qu’il n’y avait pas de
mort ».
Avec cette phrase un peu énigmatique, Tolstoï n’affirme pas une croyance pour une vie après la mort. Mais il a le sentiment que l’homme parvient à un état de conscience qui lui fait toucher du
doigt le sens de la vie. On assiste à une réconciliation d’Ivan Illitch avec ses proches et avec lui-même. L’amour désintéressé est là, toute sa rancune disparaît et sa peur s’efface. La vie
offre à Ivan Illitch un cadeau ultime : la sérénité.